Épisode 3 : Leïla Perié, à la recherche de la diversité

Jeune chercheuse talentueuse, auréolée de la médaille du CNRS pour ses découvertes sur les cellules souches, Leïla Perié a fait de la diversité une force. C’est en mélangeant les disciplines scientifiques qu’elle a ouvert une nouvelle voie en immunologie. Une philosophie qu'elle applique aussi dans sa vie de femme.

Mise à jour : 6 mars 2025

Leïla Perié est une pointure dans son domaine. Installée depuis quelques années sur le campus de l’Estia à Bidart, elle dirige à distance une équipe d’une dizaine de chercheurs de l’Institut Curie spécialisée en immuno-hématologie. Une fonction de haut-rang où les femmes, comme elle, sont encore largement minoritaires. « En biologie, il y a beaucoup de doctorantes mais peu en font leur métier, explique la scientifique. C’est une filière mal considérée. Quand on débute, les postes ne sont pas très bien payés, il n’y a pas de sécurité de l’emploi et beaucoup de compétition. » Pour s’imposer, il faut être persévérante. Une qualité que Leïla a développée très tôt. Sur les bancs de l’école déjà, sa dyslexie l’oblige à faire davantage d’efforts que ses camarades. C’est là aussi qu’elle fait pour la première fois l’expérience de la différence.

Vue de l’étranger

Après un parcours de  « bon élève », elle obtient en 2006 un diplôme d’ingénieur en agronomie. Mais très vite, l’étudiante bifurque. « Ce qui me plaisait, c’était la recherche, je voulais travailler dans le domaine de la santé. » En 2009, elle présente une thèse sur le virus du Sida et part ensuite aux Pays Bas où elle entame ses premières recherches sur le fonctionnement des cellules du sang, thème qui deviendra son sujet de prédilection. Là-bas, les conditions de travail sont à l’opposé des habitudes parisiennes.  « A 17h, le bâtiment dans lequel je travaillais était vide. » Un mode de vie qui facilite beaucoup l’équilibre entre vie personnelle et professionnelle et que la jeune femme regrette de ne pas retrouver en France. De retour dans son pays après un exil de 5 ans, elle réussit le concours du CNRS et prend la tête d’une unité de recherche où elle poursuit ses expérimentations.

Des sujets typiquement masculins

Passionnée de mathématiques, de physique, d’informatique, elle développe une approche pionnière en mélangeant les différentes disciplines. Ses découvertes sur le fonctionnement des cellules souches révolutionnent les connaissances en la matière. A même pas 40 ans, la talentueuse chercheuse obtient la Médaille de bronze du CNRS. Une ascension fulgurante qu’elle qualifie de chanceuse. « J'étais au bon endroit au bon moment », justifie-t-elle, non sans modestie. A ses débuts, l’ambiance dans les laboratoires est bienveillante. « J’étais une des rares femmes, alors on me chouchoutait. » Mais à mesure qu’elle gravit les échelons, le climat se fait plus sérieux. « A un certain niveau de responsabilités, on n'est plus entourée que par des hommes », déplore-t-elle. Un microcosme dans lequel elle dit avoir du mal à se sentir à sa place.  « En tant que femme, on a toujours l'impression de ne pas faire partie du club. »

Mais le manque de diversité n'est pas le seul travers de cet entre-soi masculin. « Les hommes qui occupent les postes de direction sont aussi ceux qui choisissent les thèmes de recherche. Et naturellement, ils vont vers des thématiques qui les concernent eux. » Installée aujourd'hui au Pays Basque où elle a suivi son compagnon, la biologiste s’est récemment lancée dans un sujet d’étude qui lui tient à cœur : l'analyse des cycles menstruels. Une incongruité pour la plupart de ses collègues masculins qui banalisent le problème. « Pour eux, ce n’est même pas un sujet. Ils ne savent pas ce que ça représente pour les femmes. »

La diversité, moteur de la recherche

Dans ses fonctions de direction, la responsable d'équipe lutte aussi tous les jours contre les stéréotypes sexistes. Ceux qui laissent penser qu’une femme devra forcément suspendre sa carrière pour élever ses enfants, par exemple. « Oui, c’est possible mais pourquoi ça devrait être un problème pour la femme ? L’homme aussi peut être dans la même situation et s’arrêter un temps pour s’occuper de ses enfants », défend-elle, en prenant pour exemple la société britannique beaucoup plus avancée sur ces questions de mixité. La diversité des parcours et des regards dans une équipe est d’abord un atout à ses yeux. « Si tout le monde vient du même moule, pense et fonctionne de la même façon, la recherche progresse moins vite. Il ne faut surtout pas que les femmes s’autocensurent. »

Le mélange, l'ouverture aux autres est une seconde nature chez cet esprit insatiable. Déjà polyglotte, elle s’est mise au basque il y a 6 ans pour mieux comprendre sa nouvelle terre d’adoption et pouvoir plus facilement collaborer avec ses voisins du Pays Basque sud. La jeune scientifique voudrait s’ancrer au Pays Basque et aider, à travers ses travaux et sa renommée, au développement de la recherche sur le territoire.

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