Episode 5 : La Maison Laffargue, place aux femmes

La maison de maroquinerie Laffargue est une institution du patrimoine luzien que les deux arrières-petites-filles du créateur dirigent depuis plus de 10 ans. Le succès de leur entreprise est une fierté pour ces deux quadragénaires dynamiques qui veulent, à travers leur exemple, montrer que les femmes peuvent tout aussi bien réussir que les hommes.

Mise à jour : 3 mars 2025

Stéphanie Laffargue est à la tête d’une maison de 135 ans d’âge. Une affaire familiale créée à Saint-Jean-de-Luz par son arrière-grand-père dont elle a repris la gestion avec sa sœur ainée il y a 11 ans. « À l’origine, c’était une sellerie-bourrellerie qui confectionnait des colliers pour le bétail, explique-t-elle. Et c’est mon grand-père qui a eu l’idée audacieuse d’en faire des ceintures cloutées pour les hommes. » Un style devenu depuis la signature de la marque.

L’envie d’entreprendre

Pour les deux quadragénaires, qui ont débuté leur carrière à Paris, revenir au Pays Basque pour diriger cette institution du patrimoine luzien était un défi osé. « On avait très envie de perpétuer ce savoir-faire ancestral et surtout de promouvoir l’emploi local », raconte Stéphanie Laffargue. Lorsqu’elles prennent les rênes de l’entreprise en 2014, le développement stagne. Le potentiel est là mais le siège historique de la marque, rue Gambetta, n’est plus adapté. « On avait besoin de plus de places pour produire davantage et réduire les délais de livraison qui nous faisaient perdre des clients. » 

En 2017, la Maison Laffargue ouvre un second atelier de fabrication flambant neuf à Ascain et passe, en quelques années, d’une vingtaine de salariés à 57 aujourd’hui. Un succès remarquable pour le binôme féminin qui a toujours été guidé par l’envie d’entreprendre. « Il ne faut pas se fixer de limites. Ce n’est pas parce qu’on est une femme qu’on ne peut pas y arriver », défend la cadette de la famille.

Un univers déjà très féminisé

Dans le domaine de la maroquinerie, le problème de la parité ne se pose pas vraiment. La plupart des établissements comptent dans leurs rangs une écrasante majorité de femmes, près de 90% des effectifs pour la Maison Laffargue. « Nous recevons très peu de candidatures masculines, constate la jeune dirigeante. Mais ce qui nous importe le plus, c’est de recruter des personnes qui ont la passion du métier et l’envie d’aider l’entreprise à grandir, qu’ils soient femmes ou hommes. » La confiance, la responsabilisation et l’esprit d’initiative sont les maîtres-mots du management qu’elle promeut au sein de sa société. « Chez nous, les maroquiniers réalisent tous leurs produits de A à Z. C’est beaucoup plus valorisant et épanouissant que des taches spécialisées, répétées à la chaîne, justifie-t-elle. On encourage aussi les équipes à créer, tout le monde peut arriver avec une idée et la défendre. »

Pour cette petite entreprise, où la moyenne d’âge tourne autour de la quarantaine, il n'est pas rare que des employés s’arrêtent pour s’occuper de leurs enfants. Une réalité visible jusque sur les murs de la cantine où les faire-part de naissance s’exposent avec fierté. « Et pour la première fois cette année, nous avons eu une demande de congés paternité », se félicite la directrice, qui prend toujours soin de ne pas faire de distinction entre les deux sexes.

Oser s’imposer

L’entrepreneuse défend avant tout une vision égalitaire où femmes et hommes doivent disposer des mêmes droits et être traités de la même manière. « Personnellement, je pense qu’on doit d’abord choisir les personnes pour leurs compétences et pas parce qu’ils répondent à des quotas ou des obligations », argue-t-elle, en enjoignant les femmes à oser prendre leur place. A la tête de la section Pays Basque du Centre des Jeunes Dirigeants pendant deux ans, elle a pu côtoyer d’autres milieux et regrette de ne pas y avoir croisé davantage de consœurs. « C’est évident qu’il y a beaucoup plus d’hommes chefs d’entreprise aujourd’hui et c’est dommage. Mais je ne sais pas expliquer pourquoi. ‘Est-ce parce que les femmes osent moins que les hommes’ ? »

Ni fataliste ni ardente militante, Stéphanie Laffargue croit plutôt à la mise en mouvement et à la solidarité entre les femmes. Une forme de sororité qu’elle a notamment retrouvée au sein du collectif d’entraide féminin « Les Simones du boudoir » auquel elle a participé pendant quelques années. Elle y a découvert de nombreux parcours qui l’ont inspiré et croit justement à la force de ces exemples pour donner envie à d’autres femmes d’entreprendre. Avec sa sœur, elles continuent de nourrir de nombreux projets et espèrent voir encore leur entreprise grandir dans les prochaines années.

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