Épisode 4 : La Ferme Elizaldia ou le féminisme en partage

Avec près d’une centaine de salariés, la ferme Elizaldia est un fleuron du secteur agroalimentaire au Pays Basque. Une réussite familiale dans laquelle les femmes ont toujours eu une place stratégique. Maite Loyatho, qui a fondé l’entreprise il y a 30 ans avec son mari, et sa fille Leire expliquent les raisons de leur succès.

Mise à jour : 3 mars 2025

Le nom des Loyatho est indissociable de l’identité de Gamarthe. C’est dans ce petit village, à quelques encablures de Saint-Jean-Pied-de-Port, que Maite et Jean-Baptiste créent au début des années 90 leur premier atelier de transformation, au rez-de-chaussée de la maison qui a donné le nom de leur entreprise : la ferme Elizaldia. Elle, travaille dans une société informatique et lui élève des cochons depuis près de 10 ans. « Au départ, c’est mon mari qui s’était mis en tête de faire du saucisson, raconte Maite Loyatho. On a commencé de rien, alors il a fallu tout apprendre sur le tas. »

Une pionnière au Pays Basque

Les premières années sont difficiles. La jeune mère de famille se souvient des journées à rallonge. « J’allais sur les marchés le matin, l’après-midi je revenais m’occuper des enfants et le soir, je me replongeais dans la comptabilité et les papiers administratifs. A l’époque, il fallait être multi-tâches. » Pour Leire Loyatho, qui a pris aujourd’hui les rênes de l’entreprise, le parcours de ses parents est un exemple à suivre. « Ce qu’ils ont réussi à faire en partant de rien est incroyable. Ils ont aussi beaucoup apporté à la filière », souligne-t-elle, en rappelant l’engagement de toute une génération d’éleveurs qui a œuvré pour la reconnaissance du savoir-faire basque avec notamment l’obtention de l’IGP du jambon de Bayonne en 1998. Aujourd’hui, la petite affaire gamartiar a bien grandi. Avec près d’une centaine de salariés, l’entreprise est devenue un fleuron de l’agroalimentaire au Pays Basque « Moi, j’ai eu la chance de me fondre dans une entreprise qui fonctionne déjà très bien », avoue la trentenaire.

Changement de rôles entre générations

Pourtant, la partie n’a pas été facile pour elle non plus. Après avoir passé son diplôme d’agronome, Leire Loyatho reprend la gestion de la production en 2017. L’apprentie sait qu’elle doit faire ses preuves dans un domaine où personne ne l’attend. Sa mère, qui a toujours soutenu ce choix, raconte une anecdote qui l’a marquée. « On avait missionné une consultante pour nous accompagner lors de la transmission de l’entreprise. Dans son rapport, après un an et demi de travail, elle nous recommandait de confier la production à Jon, le frère de Leire. » Un parfait exemple des stéréotypes de genre encore largement répandus dans le milieu.

Mais c’est bien elle aujourd’hui qui pilote le développement des produits de la Ferme Elizaldia. Une initiative récompensée l’an dernier par la médaille d’or du Salon de l’Agriculture pour le jambon Donibane qu’elle a créé de toutes pièces. Son frère, lui, a repris les fonctions financières et administratives qu’occupaient auparavant sa mère. Une inversion des rôles entre générations qui démontre la volonté de l’entreprise de ne pas s’enfermer dans les clivages habituels.

Une société bienveillante

« Chez nous, nous n’avons jamais fait de distinction. On a toujours créé des postes qui sont adaptés aussi bien aux hommes qu’aux femmes », explique Maite Loyatho qui aime à rappeler que 60 naissances ont eu lieu à Elizaldia depuis sa création. Égalité des salaires, semaine de 4 jours, aménagement des postes et bien-être au travail, ... « Le plus important, c’est que le salarié se sente bien dans ses fonctions », souligne Leire Loyatho. Dans une filière qui peine à recruter, l’enjeu est aussi économique. « Finalement, nous aussi, on y trouve notre compte. Il y a moins de turnover et plus de souplesse dans l’organisation. »

Promue co-gérante depuis 2022, Leire Loyatho veut poursuivre l’œuvre de ses parents. Elle en est convaincue, les équipes dans lesquels il y a davantage de mixité fonctionnent mieux. « Mais il faut que les femmes osent prendre leur place, quel que soit le niveau de responsabilités », défend-elle. Comme sa mère avant elle, la jeune patronne s'engage sur tous les fronts. Elle a récemment intégré le groupement « Pays Basque Industries » où elle partage sa vision avec des responsables d’entreprises d’univers différents. Elle se rend aussi en milieu scolaire pour encourager les nouvelles générations à se mobiliser, inquiète de voir les droits des femmes reculer ailleurs dans le monde.

Voir tous les épisodes de la websérie « 8 mars : ces femmes qui brisent le plafond de verre »