Episode 1 : Une invitation au dialogue

Publié le 21-06-2024

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Notre dossier spécial commence sur le campus de l'école d'ingénieurs de l'Estia à Bidart pour une soirée inédite. A l'initiative de la Communauté Pays Basque, élus, experts scientifiques, acteurs associatifs et professionnels du secteur étaient invités à débattre librement des enjeux de la qualité de l'eau. Un sujet qui renvoie parfois dos à dos usagers et pouvoirs publics et « laisse penser que rien n'est fait », comme le remarque Maïder Arosteguy, vice-présidente en charge de l'assainissement et des eaux pluviales pour l'Agglomération et Maire de Biarritz, en introduction des échanges.

 

 

Un livre à contre-courant des idées reçues

La supposée inaction des acteurs institutionnels, c'est justement le préjugé qui a conduit Alexandre Hurel, surfeur et passionné de l'Océan, à enquêter sur cette question de l'eau. « Au fil de mes rencontres, je me suis aperçu de tous les efforts qui sont entrepris par cette communauté de scientifiques, de techniciens, de chercheurs et de tous les moyens qui sont mis en oeuvre au Pays Basque », raconte t-il. De cette exploration, il en a fait un livre « Y'a qu'à, faut qu'on ! » qui tord le coup aux idées reçues communément partagées sur les eaux de baignade et pointe aussi du doigt notre responsabilité collective. « On vit dans une civilisation qui rejette énormément de produits dans les cours d'eau. On ne peut pas accuser l'Agglo d'être responsable de tous nos travers ».

 

Des mousses en question

Si une majorité des participants reconnaît l'effort engagé par la Communauté Pays Basque et la bonne qualité générale des eaux de baignade, certaines situations, comme celle des mousses marines, continuent d'interroger. « La mousse existe partout, pas uniquement ici sur nos côtes », répond Mathilde Montperrus, maître de conférences à l'Université de Pau et des Pays de l'Adour. Les analyses engagées sur le territoire montrent toute la difficulté de la recherche scientifique. « Ce phénomène est lié à des substances tensio-actives qui peuvent être tout à fait naturelles. Aujourd'hui, nous travaillons justement sur des méthodes d'analyses pour nous permettre de doser la partie d'origine naturelle et celle d'origine chimique », ajoute t-elle.

Gérer les pluies intenses

Cet exemple montre toute la difficulté de l'exercice. Pour Emmanuel Alzuri, Conseiller délégué « Eau potable et Littoral » à la Communauté Pays Basque, « le sujet de la qualité de l'eau n'appelle pas de réponse simple et immédiate et nous invite au contraire à un exercice de modestie quotidien ». Sa commune de Bidart a longtemps été sous le feu des critiques. Après des investissements importants, la situation sur ses plages, et notamment à l'embouchure de l'Uhabia, s'est nettement améliorée. Mais l'élu dit appréhender avec toujours un peu de stress la saison d'été. Ce qu'il redoute le plus, ce sont les épisodes de pluies intenses. « Mais ce n'est pas, comme j'entends souvent, un problème de station d'épuration. Oui, il peut y avoir des déversements à certains endroits du réseau mais cela reste exceptionnel ». Le gros problème, ce sont les eaux de pluie qui lessivent les sols et charrient tous les polluants vers la mer. « On peut parfois fermer une plage à cause de déjections d'animaux domestiques en bord de rivière ».

 

Penser collectif

L'enjeu de la préservation de l'eau ne peut pas se traiter simplement par des solutions localisées. Il appelle une réponse globale. Les différentes parties prenantes travaillent aujourd'hui sur des schéma d'aménagement à l'échelle des bassins versants pour que les choix soient faits avec la même exigence à l'aval et l'amont. « Avec l'aide de l'Agglo, nous avons conçu un jeu pour faire comprendre d'où vient l'eau sur son territoire », illustre Marion Thenet de l'association « Water Family ». « L'objectif c'est d'éviter que l'eau ne ruisselle. En mettant tout le monde autour de la table - gestionnaire, élus, agriculteurs, industriels - chacun voit les usages et les contraintes des uns et des autres et on trouvre des solutions ensemble ».

Le juste prix de l'eau

Sur le sujet connexe des pollutions chimiques, Elvire Antajan, directrice de la station de recherche de l’IFREMER d’Arcachon, réagit. « On ne peut pas dire que rien n'est fait », conteste-t-elle. La côte basque est même en pointe dans ce domaine. On peut citer, par exemple, le projet de recherche Micropolit sur les micro-polluants conduit par le GIS Littoral basque ou plus récemment l'étude lancée sur les retardateurs de flammes sur le bassin de la Nivelle. « La difficulté, c'est qu'il y a une multitude de molécules à suivre. Les mesurer est extrêmement complexe et coûteux et prend du temps avant d'être standardisé ». Le coût de ses investissements pose en miroir la question du prix de l'eau. Car en France « l'eau paye l'eau » et c'est le consommateur qui finance les dépenses des collectivités et de l'Etat sur sa facture d'eau. Quel prix sommes-nous prêts à payer collectivement pour assurer une sécurité maximale ? Sur le bassin Adour-Garonne, le prix de l'eau assainie est d'environ 4,50 euros le mètre cube. C'est 2 fois moins qu'au Danemark, par exemple.

 

 

Un sursaut collectif

Les effets du changement climatique vont encore accentuer la pression sur les écosystèmes et sur nos activités. Des phénomènes nouveaux comme la prolifération de l'algue Ostreopsis, abordée à la fin des débats, sont le signe avant-coureur des transformations auxquelles nous devrons nous adapter. « Il va falloir gérer le trop-plein, le manque mais aussi les polluants, le coût », conclut Dominique Darmendrail, directrice de programme scientifique « Eaux et changements globaux » du Bureau de recherches géologiques et minières. La scientifique basque, récemment décorée de la Légion d’honneur, appelle de ses voeux des changements de pratiques individuelles mais aussi en matière de gouvernance, d'éducation. « Il y a beaucoup de solutions qui émergent et chacun peut s'engager ».

 

Dans les prochains épisodes...

Nous verrons que le Pays Basque change. La problématique de la qualité de l'eau et de la gestion de la ressource concentre aujourd'hui la majeure partie de l'action de la collectivité. Nous irons au contact des chercheurs engagés sur ces sujets, des techniciens de l'eau qui ont la charge d'entretenir et de rénover un réseau public tentaculaire et mettrons en lumière celles et ceux qui s'investissent au quotidien pour des pratiques plus responsables.

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