Episode 7 : La science pour guider l'action publique

Pour conclure notre dossier, nous avons recueilli le témoignage de scientifiques qui conduisent des programmes de recherche liés à la qualité de l’eau. Regroupés au sein du GIS Littoral basque, ils tentent de trouver des réponses aux problématiques locales. Focus sur 3 projets pionniers au Pays Basque.

Publié le 13-09-2024

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Qualité de l'eau au Pays Basque : découvrir tous les épisodes de notre mini-série

 

Bac Trac, aux origines de la pollution

Le projet BAC TRAC, pour BACtéries fécales, TRACeurs de contamination dans les eaux, a été lancé en 2016. « L’objectif de ce projet de recherche était de développer une méthode d’analyse qui permette de comprendre l’origine des contaminations fécales de l’eau », explique Isabelle Vitte du Laboratoires des Pyrénées et des Landes (LPL) qui a dirigé l’étude. Cinq zones d’intérêt, souvent concernées par des épisodes de pollution, ont été retenues : les bassins versants de l’Uhabia, de l’Untxin et de la Nive ainsi que deux sites au niveau de l’estuaire de l’Adour et du bassin d’Arcachon. Après trois années d’étude, le projet a permis de dresser une « carte d’identité » de chacune des zones et d’identifier les sources de contamination des eaux. Concrètement, la méthode BAC TRAC permet de savoir si les germes présents dans l’eau proviennent d’une pollution humaine ou animale et de reconnaître précisément l’espèce en question (canin, ruminants, bovins, ovins, volaille, etc.). La trousse multi-marqueurs qui a pu être développée à l’issue du programme est régulièrement utilisée dans les analyses de l’eau, notamment quand une pollution pose question. « Ça a été le cas cet été à Erretegia. Nous avons utilisé la méthode Bac Trac car les prélèvements indiquaient une forte concentration de bactéries sans raison apparente. Au final, on s’est aperçus qu’il s’agissait d’excréments de chien », décrit Aurélie Bocquet-Escourrou, en charge du GIS Littoral basque à la Communauté d'Agglomération Pays Basque. Depuis son déploiement sur la côte basque, la méthode Bac Trac a fait florès et est aujourd’hui utilisée par de nombreuses autres collectivités en France.

Les chiffres
1 276 000 € financés par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne

Les acteurs
Laboratoires des Pyrénées et des Landes, Ifremer Brest, laboratoire EPOC de l’Université de Bordeaux, Syndicat Intercommunal du Bassin d’Arcachon, Communauté d’Agglomération Pays Basque, Agence de l’Eau Adour-Garonne.

 

Ostreobila, une algue sous surveillance

Le programme Ostreobila a démarré au début de l’année 2024. Il officialise et appuie un projet de recherche engagé en réalité depuis trois ans par la Communauté Pays Basque et le GIS Littoral basque, lorsque l’algue Ostreopsis a commencé à proliférer sur la côte basque. Il rassemble les experts scientifiques les plus pointus sur le sujet ainsi que les autorités locales et sanitaires de chaque côté de la frontière pour tenter de mieux décrire le phénomène. « Cette micro-algue se développe depuis quelques années sur les côtes basques françaises et espagnoles », commente Eva Ternon, chercheure en écologie chimique marine au Laboratoire d’Océanographie de Villefranche, l’un des partenaires du projet. « Ces recherches nous apporteront des éléments de réponse sur les conditions environnementales qui favorisent le développement d’Ostreopsis mais aussi sur sa toxicité pour l’homme et les organismes marins ». Quatre sites du littoral français (Hendaye, Saint-Jean-de-Luz, Bidart, Biarritz) et cinq sites du Pays Basque sud (Hondarribia, Ondarreta, Zarautz, Itzurun et Mutriku) font l’objet d’un suivi pendant trois ans. Pour la communauté scientifique, c’est d’abord le réchauffement de l’eau qui est en cause ici car en dessous d’une certaine température, Ostreopsis a du mal à survivre. La spécificité du littoral basque, avec ses nombreuses criques rocheuses, favorise aussi le développement de l’algue. En revanche, rien ne prouve aujourd’hui un lien quelconque avec la qualité de l’eau. « Les rejets de nutriments comme l’azote ou le phosphore sont régulièrement évoqués mais les recherches menées jusqu’ici n'aboutissent à aucune conclusion claire à ce jour », précise la chercheure. Le programme Ostreobila devrait permettre à terme aux autorités de mieux anticiper et gérer les périodes de proliférations mais aussi d’améliorer la prise en charge des personnes affectées.

Les chiffres
2 202 000€  dont 65% financés par l’Europe (FEDER POCTEFA)

Les acteurs
Communauté d’Agglomération Pays Basque (chef de file) – Diputacion foral de Gipuzkoa, Ifremer - Rivages Pro Tech - Université de Pau et des Pays de l’Adour - Fondation AZTI - Universidad del Pais Vasco - CNRS - Gobierno vasco - LOV : Laboratoire Océanographique de Villefranche – ICM : Instituto de Ciences del Mar

 

Micropolit, les polluants émergents en question

Le programme Micropolit a démarré en 2016. Il vise à « mieux comprendre les effets des polluants émergents sur l’environnement », explique Mathilde Monperrus, enseignante-chercheure à l’Université de Pau et des Pays de l’Adour qui coordonne l’étude. Les polluants émergents, ce sont des molécules qui ne sont pas règlementées. Cela concerne possiblement des milliers de substances. « Il peut s’agir de polluants d’origine industrielle ou agricole mais une des problématiques importantes liées aux polluants émergents sont les sources domestiques », précise la chercheure. Autrement dit, toutes les molécules qui viennent des produits que nous utilisons au quotidien : les produits de soin, d’hygiène, les détergents, les médicaments, etc. Le défi pour la communauté scientifique est colossal. Il faut non seulement analyser des centaines de molécules mais possiblement aussi leurs produits de dégradation car, une fois dans le milieu, les substances ont des comportements très différents. Certaines se dégradent rapidement, d’autres au contraire sont très stables et peuvent se diffuser dans l’environnement jusque dans le milieu marin profond, comme dans le canyon sous-marin du Gouf de Capbreton qui fait partie, avec la côte basque et l’estuaire de l’Adour, des trois sites-ateliers suivis par l'étude. Dans certains cas, les molécules peuvent aussi se combiner entre elles et créer des effets cocktails dont les impacts sur la faune et la flore locale restent encore à documenter. Après une première phase qui a duré trois ans et mobilisé plus de 80 chercheurs de différentes disciplines, le projet Micropolit a été reconduit en 2020. Cette nouvelle campagne a permis d’aller plus loin dans l’analyse des résidus de dégradation des polluants et dans l’observation des comportements de certains animaux marins. Elle a ouvert la voie aussi à des solutions de traitement. Des tests sur des « super-bactéries » capables de détruire certaines molécules constituent de ce point de vue une piste prometteuse. Mais Mathilde Monperrus prévient. « Il n’existe pas toujours de solution miracle. Parfois, le moyen le plus efficace d’agir, c’est de couper la pollution à la source ». C’est pourquoi le programme Micropolit a intégré depuis ses débuts un volet sociétal. « Nous avons fait appel à des sociologues pour identifier les personnes relais les plus à-mêmes de faire passer le message et inciter à un changement de nos comportements ».

Les chiffres
2,6 millions € financés de 2016 à 2019 par la Région Nouvelle Aquitaine, le fond FEDER de l’UE, et l’Agence de l’Eau Adour-Garonne.

Les acteurs
Fédération de recherche MIRA de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (chef de file), CNRS, INRAE Ifremer, Institut de Milieux Aquatiques, Rivages Pro Tech, Centre de la mer de Biarritz, Communauté d’Agglomération Pays Basque.

L’info en plus

Il y a 10 ans, les élus du Pays Basque ont mis en place une structure pionnière pour traiter les problématiques liées aux eaux littorales : le GIS Littoral basque. Cette instance dans laquelle dialoguent responsables publics, techniciens et chercheurs de différents laboratoires permet de conduire plus efficacement les politiques liées à l’eau. Les élus peuvent solliciter le groupement pour travailler sur des sujets qui ont une résonnance locale et tenter d'y trouver des réponses adaptées. A ce jour, le GIS Littoral basque a conduit une douzaine de projets sur des thématiques variées comme les déchets flottants, les micro-polluants, les risques d’érosion ou, plus récemment, les retardateus de flamme.

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